Dans le cadre de la 8e édition des Assises Internationales du Journalisme et de l’Information qui se dérouleront à Metz des 16 au 18 octobre 2014, et à l’occasion de sa campagne de financement participatif pour son retour en kiosque — via www.ulule.com/zelium —, l’équipe du journal satirique Zélium publie une tribune dans l’hebdo Politis.
La presse boit la tasse, les canards boitent, les chiens aboient et les charrettes s’amassent. Les journalistes broient du noir, et le capitalisme broie tout court. Tout ça, c’est connu. Parler du « marché de la presse en crise », c’est même devenu un marronnier dans les journaux, dont les rubriques « média » tiennent au courant sur les dégringolades des concurrents, les embrouilles des hiérarchies des titres rivaux, les effectifs qu’on vire et les projets qui foirent. Pour savoir l’état de chaque malade, il est conseillé d’aller puiser des infos chez le voisin.
Reste la presse foutraque faite par des foutriquets. Sans modèle économique, sans marketing analytique ni stratégie proactive, sans efforts de benchmarking, ni effets de branding, sans président du directoire ni chef de la publicité. Et le plus souvent sans force de vente. Au mieux une farce de vente, des petits bras musclés au kébab du coin et un enthousiasme nourri aux packs de bière entrée de gamme. Ces gens-là s’amusent, bouclent des enquêtes en les truffant de dessins impertinents. C’est une presse narquoise, qui nargue les fachos, fait des pieds de nez aux greenwasheurs, tire la langue aux patrons et aux curés, sauf aux défroqués, qui sont toujours un peu plus rigolos. Elle en voudrait même au bien fondé du service public de la police, pourtant si dévoué pour servir les citoyens et la patrie.
Aussi incroyable que ça puisse paraître, cette presse ignore les reportages sur les bienfaits tendances des micro-capsules hydratantes régénérantes dernier cri contre le vieillissement de la peau du genou. Elle se tape des vertus de l’adultère pour doper les ventes estivales. Elle se contrefout des palmarès exclusifs d’hôpitaux ou d’écoles de management. On se demande ce qui l’intéresse, cette petite presse malingre mais têtue. Il se dit même que ces initiatives n’ont aucun lien avec la haute finance, la basse ou la moyenne, qu’on n’y garde même pas une place au chaud pour accueillir, au cas z’où, un pauvre petit marchand de matériel de guerre en mal d’investissement défiscalisé.
C’est ce qui fait tourner Zélium, frêle esquif battant pavillon noir. Un vilain petit canard « associatif », sans budget piges qui exploite ses contributeurs-qui-le-veulent-bien. Un journal rayé de la carte des subventions publiques [1], les fameuses « aides de l’État à la presse écrite » qui représentent près de 700 millions d’euros par an, et qui se tourne vers la générosité de ses lecteurs [2] pour espérer squatter les kiosques et narguer Closer et Télé Z pendant quelques mois. C’est à se demander pourquoi des miséreux qui ne sont même pas payés pour leurs proses ou leurs dessins s’obstinent à fabriquer ces journaux aussi peu palpitants. Ces gens-là ne croient à rien. Ils sont désespérants, à tenir à bout de bras une presse sans ambition.
L’équipage de Zélium
[1] Ah si ! L’association éditrice Jack is on the road bénéficie de quatre emplois « subventionnés » (Contrat d’Accompagnement dans l’Emploi, CDD à temps partiel financés par l’État). Assistés !
[2] La campagne de souscription sur Ulule pour le retour de Zélium en kiosque se conclut le 26 octobre : www.ulule.com/zelium. Objectif 8500 €. Une misère !