A l’occasion de la campagne de souscription pour financer l’édition de ça sent mauvais, le nouveau livre que nous publions, nous vous livrons une interview exclusive de son auteur, Berth, qui a bien voulu répondre à nos questions plus ou moins débiles de façon plus ou moins sérieuse… Ou inversement.

 

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Zélium : Pourquoi ça te gonfle qu’on te demande toujours si on peut rire de tout ?

Berth : Parce que ça fait 20 ans qu’on nous bassine avec cette question, parce qu’y répondre devient une perte de temps durant laquelle il faut se justifier, expliquer, rabâcher les mêmes arguments, etc., alors qu’il est quand même plus agréable de mettre ce temps au profit de la déconne. Il faut se faire une raison, le monde est divisé, comme dans la vieille BD de Pif Gadget, entre les Tristus et les Rigolus ; que les Tristus continuent à se poser cette question et laissons les Rigolus s’amuser…

 

Faire les beaux-arts pour faire du dessin de presse, ça ne sert à rien ?

C’est pas que ça ne sert à rien, simplement, quand on me pose la question « avez-vous fait les beaux-arts ? », je trouve ça aussi étrange que si on me demandait si j’avais fait un BTS d’aéronautique ou un Master en charcuterie. Mon job consiste à chercher des gags toute la journée, et je n’ai pas l’impression que ce soit ce genre de discipline qu’on étudie aux beaux-arts.

 

Qui préfères-tu entre Plantu et Jacques Faizant ?

Sans aucune hésitation Jacques Faizant. Ses dessins politiques étaient aussi cons que ceux de Plantu, mais au moins Faizant était clair avec lui-même et avec ses idées. Quand Faizant crachait sur les syndicats dans Le Figaro, ou qu’il mettait dans le même sac l’extrême gauche et l’extrême droite, il était dans son rôle, c’était fabuleux. Quant Plantu-le-gentil-trou-du-cul fait la même chose dans Le Monde, je trouve ça nauséabond. Et à côté de ça, les dessins d’humour de Faizant, ses vieilles dames, ses clodos avec les gendarmes sentent bon une France grasse du bide, légère et désuète, c’est pas désagréable…

 

T’as un vrai métier à côté ?

Celle-là de question, c’est marrant, elle est assez récente. Il y a une vingtaine d’année, quand je disais que j’étais dessinateur, ça ne posait pas de problème. C’est depuis peu que les gens la posent comme si c’était impossible que le dessin soit un métier. Ceci dit, je fais le mariole parce que pour l’instant ça va, mais je ne sais pas combien de temps ça va durer ; je vois la nouvelle génération en chier pour trouver du boulot, le prix des piges qui a été divisé par 2 en 10 ans, la presse papier qui ne paie plus, la presse sur Internet qui ne paie pas, les journaux qui publient n’importe quels dessins du moment qu’ils sont pas chers (voir gratuits)…

 

Est-ce que c’est pas difficile de jongler entre le public de Mon Quotidien et les gros dégueulasses qui lisent Zélium et Siné Mensuel ?

Non, au contraire, c’est équilibrant, c’est anti-sclérosant, l’un permettant de se reposer de l’autre, et inversement. D’ailleurs, je ne trouve pas qu’il y ait beaucoup de différences entre mon travail pour les enfants et celui pour les adultes, tout repose sur une vision un peu absurde de ce qui m’entoure, je ne fais qu’adapter à un public ou à un autre…

 

C’est quoi la meilleure dédicace que tu aies jamais réalisée ?

La dédicace, c’est pas l’exercice que j’apprécie le plus, j’ai pas l’aisance graphique et la rapidité d’esprit pour cette discipline ; de savoir que je dois aller passer deux heures à dédicacer des bouquins, ça me stresse. Et il y a aussi un problème de format : je dessine habituellement sur un format A3, alors quand je dois faire un gribouilli sur la page de garde d’un livre, c’est l’enfer…

 

Les temps sont durs pour la presse, très durs pour la presse alternative… C’est vraiment nouveau tout ça ?

Disons qu’aujourd’hui, c’est très dur alors qu’à l’époque c’était simplement dur… Je me souviens, quand j’ai vaguement commencé à la fin des années 80, Charlie Hebdo s’était cassé la gueule depuis presque 10 ans, Hara-Kiri n’en finissait plus d’agoniser, les vagues tentatives de sortir des journaux satiriques ont été des échecs ou n’ont pas tenu bien longtemps, le Psikopat galérait pour trouver ses marques, c’était pas la joie. Il y avait parallèlement beaucoup plus de fanzines qu’actuellement, ou des journaux satiriques régionaux, mais néanmoins, c’était vraiment pas la panacée. L’arrivée au début des années 90 de La Grosse Bertha et de sa scission quelques temps après, redonnant naissance à Charlie Hebdo, a fait un bien fou. Durant cette décennie, on a vu également un bon nombre de journaux sortir puis disparaitre (L’Idiot International (énième formule), Zoo, Chien Méchant, etc). Bref, aujourd’hui c’est dur pour la presse satirique, mais il ne faut pas croire que c’était le bonheur avant…

 

Allez, entre nous… Dessiner pour un journal satirique ou pour un tract de la CGT, c’est pas bien différent, les deux sont de gauche, non ?

Question épineuse, on soulève là un autre problème… Tu veux pas qu’on aille boire un verre plutôt ?

 

Merci Berth !